Portrait

Rencontre avec Romain et Benjamin Scheuer, associés-coopérateurs dans les Ardennes

Romain et Benjamin Scheuer
Machault
Polyculture (blé, colza, pommes de terre, escourgeon, orge de printemps, maïs) à Machault (Ardennes)

Romain et son frère Benjamin travaillent ensemble sur l’exploitation familiale. En 2022, ils ont choisi d’adosser un méthaniseur à leur ferme. Pour sa ration matinale, ils utilisent, bien sûr, de l’ensilage provenant de leurs couverts mais aussi des levures et des drêches récupérées auprès d’une brasserie locale, de pulpe de betteraves ou encore des écarts de tri de pommes de terre ou d’oignons. Une activité complémentaire qui améliore leur bilan carbone, ce qui contribue à respecter le cadre agronomique du programme TRANSITIONS. « L’idée, c’est de ramener de la valeur mais en faisant attention à l’impact de nos pratiques sur l’environnement », explique Romain. Voilà pourquoi le programme TRANSITIONS a séduit les deux frères. D’autant plus que « c’est la première fois [que l’on] prime sensiblement les bonnes pratiques des agriculteurs ! Et puis, le principe d’être plus vertueux sans tout bouleverser nous a convaincus ». Le diagnostic établi au printemps 2023 leur fait prendre conscience qu’en opérant quelques changements dans leurs pratiques, ils pouvaient facilement agir sur deux des indicateurs du programme TRANSITIONS : les émissions de CO2 et le taux de carbone humifié1 dans les sols. À commencer par profiter des atouts du digestat qui offre une bonne valeur fertilisante grâce au maintien des éléments N, P, K. L’azote, majoritairement sous forme ammoniacale, est aussi plus rapidement assimilable par les plantes. « Avec le digestat comme premier apport en incorporé, nous avons réduit nos engrais minéraux de fond2 de 70 % », se félicite Romain. Et ce n’est pas tout : « Jusqu’alors, nous utilisions beaucoup d’engrais liquide, notamment pour le premier apport. Désormais, les trois apports pour toutes nos cultures se font avec de l’ammonitrate, beaucoup moins émetteur de CO2. Et comme nous avions déjà un épandeur à engrais solide, pas besoin d’investir dans un nouveau matériel ». 

Autre levier, la durée des couverts pour augmenter l’apport de matière organique dans les sols : « Nous essayons d’avancer la date des semis à fin juillet en testant d’autres variétés. Pour aller plus loin, il faudrait que l’on vise la certification CE2+. Peut-être l’an prochain ». 

Ce qui est sûr, c’est que les deux frères se félicitent d’avoir intégré un programme qui les aide à évoluer vers une agriculture plus résiliente, qui valorise leurs pratiques et sur lequel communiquer : 

"
On montre enfin aux consommateurs que l’agriculture française se préoccupe de l’environnement.
"
Romain et Benjamin Scheuer

1. Carbone humifié : désigne la fraction qui sera réellement stabilisée dans la matière organique du sol à la fin du processus de décomposition, sous l’action des micro-organismes du sol (le reste retournant dans l’atmosphère sous forme de CO2).
2. Hors azote.

Le point de vue de l’expert

etienneÉtienne Mignot, expert agronome, référent du socle agronomique du programme TRANSITIONS
 

Nous avons toujours mesuré nos exportations d’azote, de phosphore et de potasse pour les compenser et ne pas réduire les teneurs des sols. Afin de répondre aux enjeux du réchauffement climatique, il nous faut intégrer les exportations de carbone de production et les compenser, ce qui était secondaire jusqu’à présent. Pour stocker du carbone dans nos sols, il faut augmenter les apports à l’échelle de la rotation. Les meilleures sources d’apports de carbone sont les produits organiques quelle que soit leur nature : issus de l’élevage, couverts végétaux produits au champ ou bien digestat de méthaniseur.

Publié le Vendredi 10 mai 2024